le résumé
Les réservoirs viraux du VIH représentent l’ennemi à abattre pour nombre de chercheurs. Ce sont ces réservoirs qui sont responsables de la remontée de la charge virale (et possiblement, de la reprise des symptômes du VIH), lorsqu’il y a arrêt des traitements antirétroviraux. Bonne nouvelle : la recherche avance dans ce domaine, ce qui pourrait être la clé d’une éventuelle guérison de l’infection au VIH.
les détails
Les médicaments antirétroviraux (ARV) permettent d’empêcher la réplication des cellules du VIH, mais ils n’arrivent pas à éradiquer complètement le virus. Celui-ci se cache en différents endroits dans le corps, sous forme latente (sans se reproduire), dans des « réservoirs ».
Efficacité des ARV
L’efficacité des ARV est indéniable. Ils parviennent à maîtriser le VIH de manière durable en réduisant la charge virale chez les personnes infectées, jusqu’à rendre le virus « indétectable ». Le test de la charge virale mesure la quantité de VIH dans le sang et le résultat s’exprime en nombre de copies par millilitre de sang.
Charge indétectable
S’il y a moins de 40 copies de virus par millilitre de sang, on parle alors de « charge virale indétectable », mais cela ne veut malheureusement pas dire que le VIH est disparu. À ce stade des recherches, l’éradication totale du VIH n’est pas encore possible, et malgré une charge virale indétectable et une absence de symptômes, les PVVIH sont toujours porteurs du virus. Cependant, le risque de transmission du virus est considérablement réduit, sinon quasi nul.
L’Institut national de santé publique du Québec stipule :
« D’un point de vue clinique, la charge virale devient habituellement indétectable après une période de 16 à 24 semaines de traitement. Elle devrait être maintenue au moins 6 mois et sur 2 mesures consécutives avant de conclure à la réduction du risque de transmission. »
Sur le site de CATIE, on peut lire :
« Des études ont montré que les personnes séropositives qui reçoivent des soins réguliers, qui suivent un traitement et qui maintiennent une charge virale indétectable ne transmettent pas le VIH à leurs partenaires sexuels. »
Mais où se cache le VIH ?
Le VIH possède d’excellents « réflexes de survie » : une partie de son ADN s’intègre au matériel génétique de certaines cellules et cesse d’agir (de se répliquer). L’ensemble des cellules et tissus qui contiennent ce VIH à l’état latent (inactif) sont ce que l’on nomme les « réservoirs viraux ».
Ce « camouflage » rend cette partie du VIH invisible aux médicaments et lui permet de ressurgir au moment propice pour lui, c’est-à-dire quand les médicaments ne sont plus là. Dès l’arrêt des traitements ARV, le virus recommence à se multiplier et donc, la charge virale augmente.
Pourquoi les ARV n’ont-ils aucun impact sur les réservoirs
La force des ARV réside dans leur faculté à bloquer le processus de réplication (reproduction) des cellules infectées. Ils n’agissent par sur les cellules infectées latentes (qui ne se reproduisent pas).
Avancées de la recherche
Depuis quelques années, la recherche s’intéresse vivement à ces réservoirs. Après avoir réussi à stopper la multiplication du virus dans l’organisme, les chercheurs visent maintenant à contrôler les réservoirs viraux et même, à les éradiquer. Ce qui pourrait, en théorie, éliminer complètement le virus de l’organisme des personnes infectées.
C’est le cas du professeur Nicolas Chomont du CRCHUM, dont les recherches ont pour objectif de définir et quantifier les réservoirs du VIH en vue du développement de traitements pour les éradiquer. Son équipe a démontré que les cellules dans lesquelles se réfugie le VIH ont des caractéristiques immunologiques communes, où qu’elles se trouvent. Cette découverte pourrait servir à élaborer des stratégies thérapeutiques qui cibleraient spécifiquement les cellules qui partagent ces caractéristiques afin de les détruire, et ainsi éliminer le virus qui s’y cache.
« Kick and kill » (déloger et tuer)
Certains chercheurs britanniques tentent une nouvelle approche qui consiste à combiner trois éléments : 1) traitements antirétroviraux; 2) réactivation des cellules latentes du VIH qui se trouvent dans les réservoirs; 3) un vaccin qui stimule le système immunitaire pour qu’il détruise ces cellules. Ce traitement « choc » en est à ses balbutiements et fait l’objet d’essais en Grande-Bretagne. Il semble que les premiers résultats soient prometteurs. Les universités d’Oxford et de Cambridge, l’Imperial College de Londres, l’University College de Londres et le King’s College de Londres y participent.
Réveiller le virus pour mieux le tuer
C’est aussi l’approche de l’équipe du Dr Daniel Kaufmann du CRCHUM, qui a réussi à préciser les caractéristiques des cellules-réservoir, permettant de mieux les identifier et quantifier, facilitant le « réveil » du virus. Une fois réveillé, « il devient visible pour le système immunitaire, ou d’autres médicaments pourront l’éliminer ».
les conseils du pharmacien
Au début des années 90, on avait peine à croire que l’on pourrait un jour survivre au sida. Aujourd’hui, on en est à envisager la guérison du VIH. En termes scientifique et médical, le chemin parcouru est phénoménal. Saluons le travail des chercheurs, professionnels de la santé et acteurs communautaires qui ont œuvré conjointement, et continuent d’agir ensemble, dans cette lutte vers de meilleurs soins et, ultimement, la fin du VIH.
Les efforts en éducation pour contrer la stigmatisation, en prévention, en prise en charge clinique et en recherche se poursuivent.
La récente Conférence annuelle sur les rétrovirus et les infections opportunistes (CROI) à Seattle est venue reconfirmer l’efficience de la stratégie des objectifs 90-90-90 qui vise, d’ici 2020, que :
- 90 % des personnes vivant avec le VIH devraient connaître leur état sérologique — d’où l’importance de passer des tests de dépistage régulièrement et selon l’activité sexuelle. Dans le doute, n’hésitez pas à demander conseil à un professionnel de la santé pour connaître la fréquence de dépistage recommandée pour vous.
- 90 % de ces personnes devraient être sous traitement antirétroviral — nous savons aujourd’hui que plus le traitement est précoce, le plus tôt suivant le moment de l’infection, plus il est efficace. Comme une charge virale indétectable réduit ou annule les risques de transmission, cela contribue à prévenir de nouvelles infections.
- 90 % des personnes sous traitement devraient présenter une charge virale indétectable — les traitements doivent être bien suivis, dans le cadre d’une prise en charge médicale globale pour s’assurer de l’efficacité des traitements.
liens utiles
Une nouvelle technique pour identifier les «réservoirs du VIH»
La Presse